Fourmi de feu : le plus grand génome jamais séquencé en Suisse

Fourmi de feu : le plus grand génome jamais séquencé en Suisse

Par:  Swiss Institute of Bioinformatics

Le génome de la fourmi de feu, Solenopsis invicta, a été récemment séquencé par l’équipe du professeur Laurent Keller à l’Université de Lausanne et par le SIB Institut Suisse de Bioinformatique. L’utilisation inédite de méthodes de recherche très sophistiquées et jusqu’alors réservées aux recherches cliniques a permis à des groupes de recherche suisses de séquencer et d’assembler la totalité du génome de cette espèce particulièrement ravageuse. Les résultats de l’étude menée par le Dr Yannick Wurm, The Genome of the fire ant Solenopsis invicta, sont publiés cette semaine dans la prestigieuse revue PNAS.

De couleur rouge, de trois à six millimètres de long, la fourmi de feu tient son nom des brûlures impressionnantes qu’occasionne son venin toxique. Cette fourmi originaire d’Amérique du Sud a été introduite par accident dans le Sud des Etats-Unis dans les années 1930. On la trouve aujourd’hui dans de nombreux autres pays tels que l’Australie et la Chine. Cette prédatrice agressive organisée en grandes colonies est responsable de dégâts annuels chiffrés à 5 milliards de dollars rien qu’aux Etats-Unis. Les nombreuses techniques mises en oeuvre pour lutter contre cette espèce ravageuse se sont avérées jusqu’à présent inefficaces et il devient urgent de développer des approches alternatives.

Séquençage, assemblage et annotation: un long travail de fourmi
S’il ouvre aujourd’hui de nouvelles perspectives dans la maîtrise de l’invasion de Solenopsis invicta, le séquençage du génome de la fourmi de feu a nécessité l’utilisation de techniques également novatrices. Rappelons que séquencer un génome signifie reconstituer l’ordre de distribution des quatre substances qui composent l’ADN, à savoir l’Adénine, la Thymine, la Guanine et la Cytosine. On obtient ainsi des séries plus ou moins longues de « A », « C », « G » et « T » – dans le cas de la fourmi de feu, ce sont quelque centaines de millions de petits fragments d’environ 100 « A », « C », « G », « T », qui ont été obtenus grâce à des machines de séquençage. Pour assembler ensuite les pièces de ce gigantesque puzzle et obtenir des séquences jusqu’à 10 000 fois plus longues, un fastidieux travail de comparaison a été inévitable. Cette étape a été confiée aux puissants ordinateurs et à l’équipe créative du groupe Vital-IT du SIB dirigé par le Prof Ioannis Xenarios. Oksana Riba-Grognuz, Laurent Falquet et Yannick Wurm ont minutieusement agencé et assemblé toutes ces pièces à partir du chevauchement partiel de certaines séquences. Le relai a ensuite été passé au groupe Swiss-Prot du SIB, également dirigé par Ioannis Xenarios. Pour identifier et caractériser les gènes parmi ces longues séquences d’ADN, les Drs Nicolas Hulo et Lorenzo Cerutti ont combiné plusieurs approches dont la comparaison des séquences de fourmi avec celles de la base de données Swiss-Prot. Ce sont ainsi quelque 15,000 gènes qui ont pu être identifiés parmi les longues séquences de l’ADN de la fourmi de feu.

La fourmi, un insecte qui a du nez
La comparaison des gènes de fourmis avec ceux d’autres insectes a permis à Yannick Wurm et ses collaborateurs de découvrir des particularités génétiques impliquées dans l’organisation des sociétés de fourmis. Par exemple, la fourmi de feu possède un odorat particulièrement développé. Solenopsis invicta possède en effet plus de 400 récepteurs d’odeurs (comparé à 10 chez le pou Pediculus humanus responsable de la pédiculose et à 60 chez la mouche du vinaigre Drosophila melanogaster). Et si les fourmis reconnaissent leur reine à son odeur, cette faculté pourrait à l’avenir être utilisée pour inverser le comportement des ouvrières et les pousser à éliminer leurs reines. Ce processus inversé permettrait de venir à bout des colonies de fourmis de feu, sans pour autant nuire à d’autres espèces ou à l’environnement.

A propos de du SIB
Le SIB Institut Suisse de Bioinformatique est une fondation académique sans but lucratif et d’utilité publique fédérant les activités dans le domaine de la bioinformatique en Suisse. Sa mission est de fournir les services informatiques essentiels pour la communauté des sciences du vivant, notamment en termes de bases de données, de logiciels, de serveurs internet et de calcul, ainsi que de support à l’analyse de données, tant au niveau national qu’international. Le SIB assure également un enseignement et une recherche bioinformatique de premier plan. Il a une longue tradition dans le développement de logiciels de pointe pour la recherche en sciences du vivant, ainsi que dans le support de bases de données à haut contenu informatif, telles que UniProtKB/Swiss-Prot, la référence mondiale en termes de connaissances sur les protéines. Le SIB fédère des groupes de recherche et de service reconnus internationalement dans les domaines de la protéomique, la transcriptomique, la génomique, la biologie des systèmes, la bioinformatique structurale, la bioinformatique évolutionnaire, la biophysique et la génétique des populations, à Bâle, Berne, Genève, Lausanne, et Zürich. Le SIB est un partenaire reconnu internationalement et ses services sont utilisés par les chercheurs du vivant au niveau mondial.

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