l’odorat des insectes révolutionne l’évolution (R.Benton)
24H, 16 octobre 2009_ ANNE-MURIEL BROUET
NEUROBIOLOGIE Chercheur à l’Université de Lausanne, Richard Benton a découvert que deux systèmes de récepteurs olfactifs très différents aboutissent dans des circuits neuronaux semblables.
Au départ, Richard Benton s’intéressait au système olfactif des mouches du vinaigre. Comment les récepteurs olfactifs transforment- ils une odeur reconnue en impulsion neuronale? Trois ans plus tard, le professeur assistant au Centre intégratif de génomique de l’Université de Lausanne a découvert une nouvelle famille de récepteurs olfactifs qui pose des questions fondamentales sur l’évolution des espèces. Ces recherches lui valent aujourd’hui de recevoir le Prix Eppendorf et Science 2009 en neurobiologie. Outre une gratification de 25 000 dollars, son essai est publié ce jour dans la prestigieuse revue américaine. Dans le cerveau d’une mouche, comme dans celui d’un homme, la reconnaissance des odeurs – souvent d’intérêt vital – passe par le système neuronal. Or entre le minuscule cerveau de l’insecte et celui, plus développé, du mammifère, les scientifiques ont pu établir beaucoup de parallèles. Ça tombe bien, la mouche du vinaigre, ou drosophile, est l’un des modèles animal les plus utilisés pour comprendre le fonctionnement de l’homme. L’équipe de Richard Benton s’est donc légitimement intéressée à comprendre ce qui se passait au niveau des récepteurs olfactifs, ceux qui captent les molécules chimiques des différents organismes vivants. Les chercheurs s’attendaient à rencontrer un système proche du nôtre. Surprise: les deux mécanismes sont complètement différents! «Ce qui est fascinant, c’est de voir d’un côté des similitudes au niveau du cerveau et de l’autre tant de différences au niveau des récepteurs, souligne Richard Benton. Nous nous trouvons face à deux points d’évolution différents pour les insectes et les mammifères.» Différence inexpliquée Comment expliquer cette différence? Est-ce le fruit de l’évolution? Ce qui signifierait qu’il y a des centaines de millions d’années un ancêtre commun possédait un système olfactif unique qui a évolué différemment entre les espèces. Ou l’évolution at- elle opté pour deux solutions équivalentes pour résoudre une même question? «Nous allons maintenant investiguer pour comprendre les origines de ce mécanisme», poursuit le Lausannois. Les questions fusent. De quoi était doté cet ancêtre commun entre l’insecte et le mammifère? A quel point de l’évolution les récepteurs olfactifs sont-ils apparus? Cette famille de récepteurs présente chez les insectes se retrouve-t-elle chez les vers, les mollusques ou les crustacés? Enfin, vu nos différences, peut-on encore utiliser les insectes comme modèle dans ce domaine? Une cible pour traquer les insectes nuisibles Cette découverte ne suscite pas que des questions. Elle ouvre la voie à des applications très concrètes. «On peut maintenant imaginer cibler ces mécanismes moléculaires spécifiques pour contrôler le comportement de certains insectes, les ravageurs ou ceux qui propagent des maladies, comme le moustique par exemple, sans que les mammifères ne soient affectés», avance Richard Benton.