La narcolepsie ou le secret d’une maladie rare
Des chercheurs de l’UNIL et du CHUV ont mis en évidence le gène qui nous préserve de ce mal. Une découverte capitale pour mieux comprendre les troubles du sommeil.
Maladie du sommeil, la narcolepsie se traduit par une somnolence handicapante. Le patient souffre d’un endormissement diurne involontaire pouvant survenir à tout moment ainsi que de pertes du tonus musculaire (cataplexie) en cas de fortes émotions, par exemple lors d’un fou rire. Trouble rare, la narcolepsie touche 1 individu sur 2000.
Malgré sa faible prévalence, la narcolepsie intéresse fortement les chercheurs. L’élucidation des mécanismes responsables de son déclenchement devrait en effet permettre de mieux comprendre le fonctionnement du sommeil normal.
Quand l’organisme est attaqué par erreur
Les premières études de la narcolepsie remontent à la fin du 19ème siècle. Des recherches menées dans les années 1980 ont permis d’établir que plus de 95% des malades portent une copie particulière d’un gène du système immunitaire, baptisé HLA-DQB1. Puis, dans les années 2000, un déficit en un neurotransmetteur de l’éveil a été démontré. Les scientifiques en ont ainsi déduit que la narcolepsie était une maladie auto-immune, c’est-à-dire que le système immunitaire attaque notre organisme par erreur, comme dans le cas du diabète ou de la sclérose en plaques.
Le professeur Mehdi Tafti, chercheur au Centre intégratif de génomique (CIG) de l’UNIL et co-directeur du Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil (CIRS) au CHUV, s’intéresse depuis vingt-cinq ans à la narcolepsie et représente une référence mondiale en matière d’études génétiques du sommeil et de ses troubles. Dans une précédente étude, l’équipe lausannoise est parvenue, en collaboration avec des chercheurs de l’UNIGE et plusieurs collègues européens, à apporter la preuve d’une attaque auto-immune contre le cerveau chez les patients narcoleptiques(voir lien ci-dessous).
Restait toutefois à élucider une autre énigme: pourquoi, alors que le gène du système immunitaire HLA-DQB1 est présent chez 15 à 25% de la population générale, seulement 0.05% exprime effectivement la maladie ? C’est précisément à cette question que le professeur Mehdi Tafti s’est proposé de répondre en coordonnant une nouvelle étude impliquant la France, l’Espagne, la Hollande, l’Italie, l’Allemagne et le Danemark dans le cadre du Réseau européen de la narcolepsie. «Afin de comprendre pourquoi les individus sains, pourtant porteurs du gène incriminé, ne sont pas malades, nous avons décidé de comparer les variations génétiques de 1000 patients narcoleptiques européens avec celles de 1200 porteurs sains», détaille Mehdi Tafti.
Une copie de gène «ange gardien»
A la clé, une découverte captivante qui perce en partie les mystères de la narcolepsie. «Les gènes sont transmis en deux exemplaires, l’un venant de la mère et l’autre du père. Notre étude a révélé que tout se joue en fait au niveau de la deuxième copie, s’enthousiasme le professeur. En effet, chez plus de 30% des individus sains, cette seconde copie est une copie protectrice qui diminue le risque de narcolepsie d’un facteur de 50 fois !» Cette découverte est d’importance puisqu’il s’agit de l’un des plus puissants facteurs génétiques de protection découverts à ce jour contre une maladie.
Si les travaux du professeur Mehdi Tafti confirment le rôle majeur joué par le gène HLA-DQB1 dans l’expression de la maladie, ils permettent également de comprendre pourquoi la narcolepsie est si rare. Les résultats de l’étude viennent d’être publiés dans la revue Nature Genetics.
Actualité Mehdi Tafti du 18 février 2010 : Une découverte perce le mystère de la narcolepsie
Mehdi Tafti : Site Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil (CIRS)