Sébastien Jacquemont, Alexandre Reymond, Jacques Beckmann: Elucider l’origine génétique de l’autisme

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Elucider l’origine génétique de l’autisme

Une équipe de l’UNIL-CHUV, en collaboration avec des chercheurs américains, franchit un pas décisif dans la compréhension des origines génétiques des troubles neurodéveloppementaux et neuropsychiatriques tels l’autisme, la schizophrénie et l’indice de masse corporelle. Sébastien Jacquemont, Alexandre Reymond et Jacques Beckmann publient les résultats de leur étude dans l’édition du 17 mai 2012 de la prestigieuse revue Nature.

Tout individu dispose normalement de 23 paires de chromosomes, chaque parent donnant une copie de ses gènes à ses descendants. Ce processus est néanmoins parfois accompagné d’erreurs qui occasionnent des transformations spontanées du patrimoine héréditaire. En effet, de courts segments d’ADN peuvent être perdus – on parle alors de «délétion» – ou hérités à double d’un des parents et seront alors présents en trois exemplaires – on parle dans ce cas de «duplication».

Des techniques très récentes permettent aujourd’hui d’analyser, sur l’entier du génome humain, ces différences en nombre de copies sur des segments d’ADN, désignées par l’acronyme «CNV» pour «Copy Number Variants» et dont les manifestations cliniques peuvent être très diverses.

Une association rare entre obésité et autisme
Un petit segment situé sur le bras court du chromosome 16, baptisé 16p11.2, est réputé pour être particulièrement sujet aux délétions et duplications. C’est en étudiant les erreurs de «copier/coller» qui surviennent chez l’être humain au cours de la reproduction dans cette région, que Sébastien Jacquemont, PD & MER1 à la Faculté de biologie et de médecine (FBM) de l’UNIL et médecin associé au Service de génétique médicale du CHUV, Jacques Beckmann, professeur ordinaire à la FBM et chef du Service de génétique médicale du CHUV, en étroite collaboration avec Alexandre Reymond, professeur associé au Centre intégratif de génomique (CIG) de l’UNIL, ont mis pour la première fois en évidence l’association, rare, entre obésité et autisme (Nature, février 2010).

Cette collaboration a débouché en 2011 sur la mise en lumière d’un «effet miroir» entre sous-poids et obésité sévère, ou micro- et macrocéphalies, en raison de l’origine génétique «inverse» de ces pathologies, dues respectivement à une duplication et à une délétion dans la région 16p11.2. Au vu de son importance, la découverte a fait la couverture de la revue Nature en octobre 2011.

Entre sous-dosage et surdosage génétique
La nouvelle étude de l’équipe UNIL-CHUV s’inscrit dans la prolongation de ses deux précédentes publications. Les scientifiques ont plus spécifiquement cherché à savoir si la série de phénotypes associés à la région 16p11.2 est le résultat de la modification du taux d’expression d’un seul gène ou plutôt de plusieurs gènes inclus dans cette région du chromosome. «Grâce à nos précédentes recherches, nous savions qu’une délétion dans la région 16p11.2 était liée à une très forte prédisposition à l’obésité, à des retards développementaux et à un phénotype macrocéphale, alors qu’une duplication sur ce même fragment du chromosome 16 était, quant à elle, associée à une maigreur extrême, à la schizophrénie et à un phénotype microcéphale. Nous nous sommes alors demandés si chacun de ces phénotypes était lié à un gène spécifique et différent ou si un même gène ou quelques gènes étaient impliqués dans l’expression de tous ces phénotypes», détaille Jacques Beckmann.

Le poisson zèbre pour modèle
Pour élucider cette énigme, les scientifiques lausannois se sont concentrés sur les 29 gènes compris dans cet intervalle de la région 16p11.2. Ils ont joint leurs compétences à celles de l’équipe du Prof. Nicholas Katsanis, de l’Université de Duke en Caroline du Nord (USA), qui travaille sur le poisson zèbre, et ont ainsi développé un excellent modèle pour tester les effets de délétions/duplications sur l’expression phénotypique.

Leurs recherches ont abouti sur l’identification d’un gène spécifique, le «Potassium Channel Tetramerization domain 13» ou «KCTD13», dont les niveaux d’expression influencent la régulation de la taille du cerveau. «Nos travaux démontrent que ce gène est responsable de certaines anomalies en matière de croissance du cerveau, avec l’expression d’un phénotype de macrocéphalie en cas délétion et de microcéphalie lors de duplication. Par ailleurs, une délétion du KCTD13 semble être à l’origine de forts risques d’autisme», précise Alexandre Reymond. «Mais nous savons aussi que KCTD13 n’agit pas seul. Reste donc à découvrir son ou ses interlocuteur(s) et les processus biologiques impliqués», conclut Jacques Beckmann.
Les documents:

Nature : “KCTD13 is a major driver of mirrored neuroanatomical phenotypes of the 16p11.2 copy number variant”

Les liens:

Centre intégratif de génomique (CIG) de l’UNIL : groupe du Prof. Alexandre Reymond
Service de génétique médicale du CHUV : groupe du Prof. Jacques Beckmann
Gènes et environnement