The Benton group was on the FBM’s website, Nov. 29, 2016

Bon baiser de fourmis

En se transmettant des protéines, des hormones et des petites molécules de bouche à bouche, les fourmis déterminent collectivement le destin de leurs larves et de leur colonie. Les explications d’Adria LeBoeuf, auteure d’une étude sur le sujet parue aujourd’hui dans la revue scientifique eLIFE.

Lorsque les fourmis s’embrassent, elles se transfèrent mutuellement des fluides. Cet échange, appelé trophallaxie, permet à tous les individus d’une colonie d’être interconnectés. « Jusqu’à présent, les chercheurs pensaient que ce transfert servait principalement à l’alimentation. Or nous avons découvert que le liquide contient bien plus que de la nourriture », affirme Adria LeBoeuf, postdoctorante conjointement au Département d’écologie et évolution (DEE) ainsi qu’au Centre intégratif de génomique (CIG) et auteure d’un article paru aujourd’hui dans la revue scientifique eLIFE.

Les fourmis se transmettent des petites molécules et des protéines liées notamment à la digestion, aux défenses immunitaires et à l’identification de leurs congénères. Mais pas seulement. « Le fluide contient également une hormone juvénile, très importante pour le développement des jeunes, car elle régule leur croissance et leur développement, révèle Adria LeBoeuf. Jusqu’ici, nous pensions que cette substance se trouvait uniquement dans le sang des insectes. »

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Démocratie chez les fourmis

En étudiant une fourmi charpentière originaire de Floride (Camponotus floridanus), l’équipe a ainsi découvert que plus les larves étaient nourries avec l’hormone juvénile, plus elles avaient de chance d’atteindre l’âge adulte. Le mécanisme augmente donc non seulement leur potentiel de survie, mais leur assure aussi de se développer en des adultes plus grands et plus forts.

« A travers ce comportement collectif, il est possible que la colonie s’autorégule sur le long terme et détermine son développement. Elle estime en quelque sorte la quantité, le type et la taille des ouvrières dont elle a besoin, en fonction des saisons et des stocks de nourritures disponibles par exemple. En hiver, la collectivité aura tout intérêt à produire peu d’individus, mais résistants. Tandis qu’en été, elle créera davantage d’ouvrières pour avoir un maximum de ressources à disposition. Il s’agit presque d’une forme de démocratie. »

Une odeur de famille

Les chercheurs ont également découvert que le liquide échangé contenait une classe de molécules liées à l’identification mutuelle des fourmis vivant dans une même société.

« Les habitants d’une colonie se reconnaissent les uns les autres grâce à des hydrocarbures cuticulaires présents sur leur peau », explique la scientifique. Or la chercheuse de l’UNIL a prouvé que ces molécules se retrouvaient aussi dans le fluide échangé bouche à bouche et que c’est précisément par ce biais que les fourmis d’une même colonie étaient capables d’homogénéiser leur odeur et donc de se reconnaître mutuellement.

Activiste de l’interdisciplinarité

Adria LeBoeuf achève en 2003 son Bachelor en biologie à l’Université de Californie à Santa Barbara avant de s’envoler pour New York. Elle y réalise un doctorat en neurosciences et biophysique à l’Université Rockefeller. Ses travaux portent alors sur les frictions dans les cellules sensorielles liées à l’audition.

Elle rejoint l’UNIL en 2011 en tant que postdoctorante au Département d’écologie et évolution (laboratoire de Laurent Keller) ainsi qu’au Centre intégratif de génomique (laboratoire de Richard Benton). Dès mars 2017, elle effectuera un second postdoctorat en Israël pour mieux comprendre, entre autres, comment s’effectue le passage du liquide trophallaxique entre les fourmis d’une même colonie.

Durant son adolescence en Californie, Adria LeBoeuf a été comédienne semi-professionnelle. Un amour de la scène qu’elle conjugue aujourd’hui avec celui de la science. En 2012, elle fonde la compagnie de théâtre The Catalyst  composées de chercheurs de l’UNIL et de l’EPFL. La troupe propose des spectacles gravitant autour de sujets scientifiques contemporains pour les rendre accessibles de manière ludique.

« Le but est également d’aider les jeunes chercheurs à devenir de meilleurs communicants, améliorer leurs prestations scéniques et mettre en valeur leur travaux », explique la postdoctorante. Depuis dix ans, elle dispense d’ailleurs des formations de communication scientifique. 

Par  Mélanie Affentranger

Link to the Elife publication: http://www.genomyx.ch/elife-auth-group-benton-2/

Link to the Science article: http://www.genomyx.ch/the-benton-group-was-in-science-nov-29-2016/

Link to the Eureka article: http://www.genomyx.ch/the-benton-group-was-in-eurekalert-nov-2016/

Link to the Daily mail online article: http://www.genomyx.ch/the-benton-group-was-in-daily-mail-online-nov-29-2016/

Link to the Wired  article: http://www.genomyx.ch/the-benton-group-was-in-wired-nov-29-2016/